E comme Enfance

« Je suis né à Larmor-Plage, à une petite centaine de mètres de l’océan, le 7 octobre 1948. Mes parents habitaient à Lorient, ville détruite à 99 % durant la guerre et pas encore totalement reconstruite en 1948. La maternité de l’hosto ne pouvant assurer tous les accouchements, et y’en avait un max en ces années du baby-boom, ma mère m’a mis au monde dans une "baraque américaine" transformée en clinique.
Photo de Robert Le Gall
Le climat familial était excellent. Lorsque j’avais cinq ans, mes parents ont quitté la ville de Lorient pour s’installer en bord de mer, dans cette maison du Fort-Bloqué dont j’ai hérité à la mort de mon père et où je vis aujourd’hui. Comme tous les mômes de l’après-guerre, j’ai eu ce privilège de pouvoir vivre et m’éclater au grand air, libre de tous mes mouvements et déplacements sur ces rivages sauvages, pas encore bouffés par le bitume et le béton. Mes parents, très occupés par leur boulot, nous déposaient, ma sœur et moi, à l’école le matin et nous récupéraient le soir. Durant les vacances, nous étions livrés à nous-mêmes et nous éclations avec nos copains et copines sur la plage et dans les dunes.

C’est seulement vers l’âge de 12-13 ans que les belles années ont mal viré, lorsque mes parents, lassés de mes indisciplines et je-m’en-foutisme, ont décidé de me coller en pension pour me faire apprendre les bonnes manières et le goût du travail, dans un bagne tenu par des curetons, à 100 bornes du foyer familial. Faut dire que je l’avais bien cherché. J’ai sacrément morflé durant les 4 ans passés dans cette taule de maniaques en soutanes ! Quatre ans de sévices et punitions qui ont fait de moi le rebelle et l’anticlérical que je suis et demeurerai jusqu’à la fin de mes jours… »

M comme Mai 68

« J’étais à Lorient en mai 68, loin de la grosse baston et des barricades. Y’avait pas d’université ici. C’était un peu chaud dans les lycées et les travailleurs des arsenaux commençaient à groumer. Moi je glandais et j’ai pas vraiment pris part au mouvement. J’avais pas attendu le mot d’ordre des gonzes de Nanterre pour ruer dans les brancards. Ça faisait déjà quelques années que je m’étais engouffré dans le flux libertaire. Les trotskos, les maos… j’avais franchement du mal à supporter. J’avais pas tort de me méfier. On a vu ce que ça a donné et ce que sont devenus ces révolutionnaires-là.
Par contre y’avait toute une bande de mecs des Beaux-Arts de Lorient, proches des Situs, vers qui allait ma sympathie. Toute une équipe de joyeux drilles qui organisaient des manifs et débats dans différents lieux de la ville. C’était la grosse fiesta !
Tous les mômes se prenaient pour le Che, Fanon ou Lumumba. Et ils y croyaient à leur putain de Révolution ! Et j’y ai cru aussi. Tous ces gniards, conçus dans la liesse de la Libération, allaient montrer à leurs parents de quoi ils étaient caps, qu’eux aussi avaient la fibre résistante (et pas de la dernière heure, la leur) foncièrement allergiques à toutes ces conneries de vie d’un autre âge que quelques généraux gâteux voulaient leur imposer. Ils allaient voir, les vioques, de quels idéaux ils se chauffaient !
Hormis le bel élan idéaliste, ce qui m’a le plus enthousiasmé dans cette révolution, c’est la façon dont les filles ont fait sauter le cadenas de leurs ceintures de chasteté, comme elles nous ont mis leur libido en pogne pour nous inviter à la faire exulter. Rien que pour ça, ça valait vraiment le coup de la faire, cette foutue Révolution ! »

A comme Auteurs

« Trois auteurs m’ont profondément marqué, dans l’ordre chronologique de mes lectures : d’abord Rimbaud, vraiment découvert quand j’avais une quinzaine d’années, puis Corbière, vers l’âge de 17 ans et Kerouac, à peu près au même moment.
Depuis ces années de l’adolescence, une flopée d’autres écrivains sont venus se joindre à la tribu des intimes, des mecs comme John Fante, Richard Brautigan, Charles Bukowski, Bob Kaufman, Gregory Corso… mais aussi quelques Français comme Gaston Criel, André Laude, Yves Martin… Et celui dont je me sens le plus proche aujourd’hui, c’est incontestablement Claude Pélieu. Claude est et restera à jamais le poète qui m’a le plus marqué et influencé. Sans lui, sans la découverte de ses bouquins, comme Jukeboxes et Tatouages mentholés… puis son Journal blanc du hasard, mon écriture aurait certainement été toute différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Claude a été dans les années 1970, sans le vouloir, une espèce de fanal, un grand frangin qui a ouvert et éclairé la piste pour bon nombre de jeunes poètes de notre génération. ça le ferait sûrement marrer s’il m’entendait dire ça. »

L comme Lectures

« Oui, on peut effectivement parler de passion en ce qui concerne mon rapport à la lecture. Toute ma vie, et depuis que j’ai appris à lire, j’ai dévoré des tonnes de bouquins et de revues, une véritable boulimie ! Mes premières découvertes, j’en ai pas un souvenir bien précis, sans doute des livres pour mômes, genre contes de Perrault, d’Andersen ou de Grimm, puis des BD pour petits mecs comme Pim Pam Poum, Kit Carson, Blake le Roc, Tintin, Bibi Fricotin, les Pieds Nickelés… J’aimais bien les Pieds Nickelés. Ces drôles de zigotos, impertinents et inconvenants, roublards et rebelles, étaient mes héros préférés, déjà un signe, non ?
Ensuite, je me souviens avoir été particulièrement agrippé par les bouquins de Jack London, tous ces trucs sur le Klondike, la ruée vers l’or, la forêt, la baie de San Francisco. J’ai tout lu. J’aimais ces récits aventureux, où les héros se colletaient avec une nature hostile et se retrouvaient dans des situations carrément dingues, devaient lutter vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour leur survie, oubliant toutes leurs petites tracasseries physiques et états d’âme à la noix. La vraie vie, quoi !
Puis j’ai découvert les classiques, au collège bien sûr, comme tout le monde, enseignés par des profs souvent chiants et imbus de leur savoir. Mauvaise façon d’aborder la littérature. Je suis quand même parvenu à conserver ma passion intègre en lisant, en marge du programme imposé, tous les écrits occultés des grands auteurs et ceux des auteurs écartés.
Les grandes révélations de mon adolescence, pour les plus marquantes et influentes, pêle-mêle : Arthur Rimbaud, Tristan Corbière, Jehan Rictus, Jules Vallès, Eugène Sue, Victor Hugo, Blaise Cendrars, Henry Miller, Boris Vian, Antonin Artaud, Louis-Ferdinand Céline, Jack Kerouac… et j’en oublie sûrement. »

V comme Vivisection

« C’est Guy Benoît qui m’a permis de publier en revue pour la première fois. C’était en 1972, je crois. Il dirigeait la revue « Périmètre », publiée par Millas Martin. J’avais adressé un manuscrit à Millas Martin pour le prix François-Villon, un long poème sur Artaud. « Vivisection », ça s’appelait. Tout un programme ! C’était ma période « méchante déglingue ». Faut dire que je venais tout juste de débarquer de Papeete et Mururoa quand j’ai écrit ça. Guy a aimé ce texte et m’a demandé si j’acceptais qu’il en publie un extrait dans « Périmètre ». Bien sûr, j’ai accepté illico. Puis, comme je n’avais pas remporté le prix, Millas Martin m’a proposé de publier le recueil, moyennant une petite participation financière, pas grand-chose. ça se faisait beaucoup à l’époque et je connais pas mal de poètes, aujourd’hui fort connus, qui ont aussi accepté de cracher au bassinet pour voir leurs poèmes imprimés et leur nom en majuscules sur une couverture de bouquin. Un premier recueil, c’est comme un premier amour, une première expérience sexuelle, le truc qui te reste gravé en tripes et en tête jusqu’à la fin de tes jours. Tu penses si je m’en souviens de cette première publication ! »

F comme Fatras

« La poésie, c’est de l’émotion pure et dure, tout un fatras de sentiments qui te remontent de la tripe, t’envahissent et te lâchent plus, ne te laissent aucun moment de répit tant que tu n’es pas parvenu à les étaler sur ta feuille de papier. Du sang, du foutre, de la sueur et des larmes, tout ce flux furibard de toi que tu ne maîtrises pas, ce bouillonnement intérieur qui fait vibrer et morfler ton cœur d’humain ordinaire.

Un foutu programme pour un furieux tempo que tu t’efforces de retranscrire avec tes mots. C’est ce que j’ai essayé de faire dans mes textes : vider mon sac à émotions en m’efforçant de trouver les tonalités et vocables appropriés.Je pense que mes lectures de L’ombilic des Limbes et du Pèse-Nerfs d’Artaud, ainsi que celles de Jukeboxes et Tatouages mentholés et Cartouches d’aube de Claude, ont été pour beaucoup dans cette façon de déballer débraillé. Sans oublier les longues heures d’écoute des enregistrements de Thelonious Monk, Charlie Parker, Miles Davis, Chet Baker… ou de Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, Bob Dylan, Frank Zappa et bien d’autres. L’écriture s’est faite au fil des expériences, mais aussi des connivences et partages essentiels. Ce « style simple, direct et totalement déjanté », s’est imposé tout naturellement, sans doute en réaction contre tous les discours et ouvrages gonflants imposés à mon jeune ciboulot en pleine ébullition, mais surtout pour affirmer, revendiquer, mes aspirations et affinités, avec la même force que mes rejets et exaspérations. »

H comme Hargne

« Ma conception de la poésie est restée la même depuis la publication de « Vivisection ». Seulement l’écriture s’est un peu transformée au fil du temps, des expériences et des bouleversements de la vie. Pas de fioritures ni de chichis, juste un phrasé brutal, âpre, une poésie exaltée et débraillée, fumasse et combative, une arme « chargée de futur » comme dirait Celaya, c’est ça ma conception.
Aujourd’hui, ça ronronne et minaude du vocable dans la plupart des revues que je reçois. Le poétiquement correct, j’adhère vraiment pas. Au risque de passer pour un vieux con nostalgique, je constate qu’il y avait quand même bien plus de hargne, d’insolence et d’audace dans les fanzines et revues de poésie des années 60-70 que dans tout ce qu’on peut lire aujourd’hui. A quelques rares exceptions, c’est plus que branlettes de bulbe et gamahuchages d’ego. Rien à voir avec les gueulantes et barouds de mots qui s’étalaient sur les feuillets à l’époque. C’est tout mou dans le con-texte actuel et ça ne con-teste plus. Flagrant signe des temps, même la poésie s’englue dans le discours gonflant. Le petit con-fort, la petite renommée, les petites con-nivences, suffisent désormais au bonheur des poètes du vingt et unième siècle débutant. Plutôt tristounet, tout ça, non ? »

G comme Georges Le Bayon

« Avec Georges, c’est une longue histoire. Ca fait plus de 40 berges qu’on se connaît. J’avais 17 ans et lui 18 quand on s’est rencontrés pour la première fois. Il était élève à l’école des beaux arts de Lorient et moi j’usais mes jeans sur les bancs du lycée. Le courant est tout de suite passé entre nous et on est devenus comme deux phalanges d’un même poing. On avait les mêmes idées, les mêmes révoltes, les mêmes goûts musicaux et littéraires, les mêmes enthousiasmes et colères. Il nous arrivait même de craquer pour les mêmes filles et de nous les partager sans gêne ni soucis d’aucune sorte. Nous étions volages à l’époque, et nos copines l’étaient autant que nous. Nous avions estourbi tous les tabous et acquis la liberté d’aimer et de jouir sans retenue. Il n’y avait rien de choquant pour les garçons de notre génération d’avoir plusieurs petites amies, ni pour les filles d’aimer plusieurs garçons à la fois. Ce qui peut paraître scandaleux et inacceptable pour d’aucuns ou d’aucunes aujourd’hui ne l’était absolument pas pour nous. C’était ainsi et nous trouvions tous ça terriblement salutaire et excitant.

En plus de notre relation amicale, nous avons eu ce privilège de pouvoir partager nos fringales et passions créatrices. Georges en peinture et moi en littérature, nous avons souvent associé nos émotions pour faire œuvres communes, que ça soit dans des livres ou lors d’expositions. Une forte complicité qui perdure et s’exprime avec toujours la même vigueur par delà le temps et les évènements qui ont jalonné nos deux vies.Georges vit à Belle Ile et peint essentiellement des paysages marins. Nous partageons un amour immodéré pour l’océan, ainsi que pour les ciels et rivages bretons, qui, dans ses peintures ou pastels, prennent souvent formes et tons particulièrement évocateurs et émoustillants. En plus de notre goût fort prononcé pour le bon vin, la bonne bouffe, et toutes les visions de petites beautés charnelles qui charment nos esprits, nous aimons pareillement les rencontres et échanges verbaux qui se prolongent fort tard dans la nuit, autour de grandes tablées, la voix, les yeux et le cœur tout chargés de poignants et somptueux sentiments. Nous avons tous deux le culte des amitiés sincères et de longue durée. »

P comme Prix

« Je ne m’attendais pas du tout à recevoir ces prix (prix Xavier-Grall et le prix Henri-Queffelec), d’autant plus que je n’ai fait aucune démarche dans ce sens. Pour le prix Xavier-Grall, ce sont les organisateurs qui ont décidé de me l’attribuer pour « l’ensemble de mon œuvre » (fichtre ! ce sont aux auteurs défuntés, ou à ceux tout proches de le devenir, qu’on rend ce genre d’hommage, non ?) Quant au prix Henri-Queffélec du Festival Livre et Mer de Concarneau, c’est mon éditeur Apogée qui a proposé mon ouvrage à la sélection du jury, sans même penser de m’en avertir. J’ai appris par mon ami Marc Le Gros, dont le livre « Marée basse » avait également été retenu lors de la première sélection, que nous étions tous deux en compétition. Face à des auteurs comme Marc Le Gros, Edouard Glissant, Anna Enquist, Karin Huet, et quelques autres d’égal talent, je ne m’attendais vraiment pas à décrocher la timbale. J’en suis toujours pas revenu, du reste.
Même quand j’étais môme, à l’école, j’ai jamais été foutu de décrocher la moindre médaille. C’est la première fois de ma vie, à presque 60 balais, que je reçois un prix, alors deux d’un coup, t’imagines la surprise ?
J’ai beau faire le mariolle, j’étais quand même très ému lors de la remise de ces deux prix, surtout pour le Xavier Grall, car Françoise Grall et deux de ses filles étaient présentes lors de la cérémonie. Françoise ne sort plus beaucoup le soir et j’étais vraiment touché qu’elle ait accepté de se déplacer pour moi. »

P comme Pêche

« J’ai commencé par les casiers, à Doëlan, comme matelot, puis j’ai continué lorsque j’ai acheté mon premier bateau, le « Skrilh Mor » (« Grillon de la mer » en breton, ou langouste), en 1978. Puis, comme bon nombre de caseyeurs bretons, j’ai opté pour la pêche aux filets, ciblant le poisson, lorsque les pêcheurs anglais se sont mis à pêcher le tourteau pour l’exportation et à inonder le marché français. Nous n’étions plus compétitifs, alors nous avons dû changer de type de pêche. Avec le « Skrilh Mor », j’avais déjà diminué le nombre de mes casiers pour augmenter petit à petit celui des filets, d’abord les grands maillages à lottes, raies, turbots, puis ceux à lieus jaunes, merlus, juliennes. Mais le bateau n’était pas adapté pour ce type de pêche, alors j’ai décidé de faire construire l’« Ikaria », le faisant aménager et équiper à mon idée, avec l’accord et la complicité du directeur du chantier de La Presqu’île, au Croisic. C’était en 1986.
L’« Ikaria », (comme le « Skrilh Mor » avant lui), était armé à la petite pêche et nous fréquentions essentiellement les zones côtières de Bretagne Sud, des îles Glénan au sud de Belle-Ile. Nous faisions la journée, durant la majeure partie de l’année, départ à 3 h du matin et retour vers 15 ou 16 h, 6 jours sur 7, et partions pour la semaine durant les mois d’avril-mai dans le sud de Belle-Ile, 7 heures de route de notre port d’attache, pour pêcher le rouget barbet, départ le dimanche soir et retour dans la nuit du vendredi au samedi. Nous avions une cale réfrigérée à bord et pouvions stocker jusqu’à 2 tonnes de poisson, mais nous venions débarquer la pêche en milieu de semaine à Lorient ou Quiberon pour assurer la qualité du poisson. Nous quittions la zone de pêche dans l’après-midi du mardi pour faire l’aller-retour dans la nuit et arriver sur zone le mercredi à la pointe du jour pour remettre en pêche, 14 heures de route. Beaucoup de boulot et peu de repos durant ces campagnes de rouget. Il m’est arrivé de ne dormir qu’une petite quinzaine d’heures sur 5 jours. C’était vraiment lessivant, mais la saison du rouget durait peu de temps, alors il ne fallait surtout pas la rater. Avec les pêches de soles en janvier, février, mars, c’était une part importante de notre chiffre d’affaires de l’année. »

O comme Océan

« Le fait d’être né à si peu de distance de l’océan a sûrement influé sur mes choix existentiels et professionnels. Et puis, plus tard, toutes mes années d’enfance passées à glander ou courir sur le rivage, cheveux au vent et les yeux sans cesse plongés dans tout ce bleu immense, avant qu’ils bifurquent vers les roploplos naissants et popotins jolis des petites amoureuses estivales, j’pouvais vraiment pas y échapper. Malgré la courte durée d’éloignement, les périodes scolaires à me morfondre au pensionnat, puis une année passée à faire le con dans le Pacifique (encore un océan), nourri, logé et irradié, aux frais de la princesse, sur un atoll livré aux géniaux adeptes du thermonucléaire, et quelques escapades sur les routes d’Europe durant ma période « vagabond céleste », je n’ai jamais vécu bien longtemps éloigné de mon cher vioque Atlantique.
Durant mes années de lycée à Lorient, une fois viré de chez les curetons de Redon, il m’arrivait même fréquemment d’aller bosser au port de pêche la nuit, au débarquement du poisson et lavage de la criée, pour me faire un peu d’argent de poche. De voir tous ces rafiots et ces forbans de matelots qui roulaient leurs mécaniques sur les quais et dans les bistrots, a dû aussi me coller quelques idées vagabondes en tête.
L’idée a mis du temps à mûrir, car ça n’est qu’à l’âge de 28 ans, après avoir exercé quelques turbins terriens, comme manœuvre du bâtiment en Suisse durant quelques mois ou chauffeur routier en France durant cinq ans, que j’ai signé pour mon premier embarquement. »

M comme Mer

« C’est particulièrement jouissif de se sentir en harmonie avec les éléments, loin de toutes les mesquineries et turpitudes auxquelles on est confronté à terre. C’est la totale évasion, le trip absolu. Et puis il y a un formidable rapport charnel avec la mer. Même s’il y a la coque du rafiot entre elle et toi, tu la sens qui vibre, bouge, ondule, tressaille… en permanence sous toi, telle une femme avec qui tu ferais l’amour. A la différence qu’elle serait plutôt mante religieuse que femme aimante, la mer, cap de te becter une fois la petite affaire terminée. Elle est comme ça. Elle sait se montrer docile, câline, voluptueuse à souhait, puis virer chieuse, hargneuse, dangereuse, sans que tu n’aies fait quoi que ce soit pour la mettre en de tels états. Les rapports sont souvent compliqués avec elle et tout son attirail atmosphérique, mais on peut aisément lui pardonner, passer outre toutes ses sautes d’humeur, lorsqu’on est franchement mordu. A la vie, à la mort. Même lorsqu’on a posé définitivement son sac à terre, qu’on a cessé de lui caresser quotidiennement la croupe, le désir est toujours là et on ne peut mater ses formes, humer ses fragrances iodées, sans en être tout tourneboulé. »

N comme Naviger

« Naviguer par gros temps, c’est toujours pénible et éprouvant, mais le pire qui puisse arriver dans ces sales conditions, c’est l’incident mécanique. Lorsque le moteur décide de se foutre en grève, le bateau est livré aux seuls éléments et tu ne peux plus rien maîtriser. La galère absolue ! Si tu ne peux pas réparer la panne, ta seule planche de salut, ce sont les copains, à condition que l’un d’entre eux parvienne à te rejoindre à temps pour te passer la remorque et vous ramener à terre, ton bateau, ton équipage et toi, avant que la mer ne vous becte tout crus. Ça nous est arrivé une fois, en panne de barre, dans un endroit particulièrement hostile puisque nous n’étions qu’à environ un demi-mille des falaises de l’île de Groix et que les vents nous poussaient vers la roche. Sans l’arrivée rapide d’un confrère qui était en pêche dans la zone, nous aurions été fatalement drossés à la côte. »

F comme Fatalité

« J’ai perdu une bonne vingtaine de copains en mer en 28 ans de carrière, des mecs que je connaissais bien, avec qui j’avais fraternisé et souvent discuté. Il y a un certain sentiment de fatalité qu’on acquiert très vite dans ce métier qui est, aux dires des statisticiens, le plus dangereux de tous. Il faut vivre avec le souvenir de ces naufragés-là, certains repêchés, d’autres jamais retrouvés, avec aussi l’idée qu’un jour ça pourrait être notre tour de « boire la lavure de notre fessier », comme disaient les anciens. La mort, la grande faucheuse drapée dans son suaire noir déboulant de la brume sur sa vieille barcasse, on la connaît bien, on la fréquente au quotidien, on connaît ses petites manies, y’a une espèce de deal entre elle et nous, on fait avec et on finit par l’oublier jusqu’au moment où elle réclame son tribut. C’est comme ça ! Qu’est-ce qu’on y peut ? »

I comme Ikaria LO 686070

« C’est Philippe Marchal, l’animateur de la revue « Travers », avec qui j’étais en relation depuis déjà une petite dizaine d’années, qui m’a proposé de me consacrer un numéro complet de sa revue. Comme il me laissait entièrement libre du choix des textes et du thème abordé, je me suis dit que ça pourrait être l’occasion de raconter quelques moments de vie en mer, faire partager certaines aventures et émotions âprement vécues. J’avais déjà écrit quelques poèmes évoquant tout cela, mais jamais un recueil traitant uniquement de ce sujet.
J’ai fait le choix de la prose, tout en travaillant teigneusement la langue, comme en poésie, pour trouver le bon rythme, retransmettre le swing de l’océan. Je ne sais pas si ce livre restera, mais il continue sa route depuis voilà dix ans, puisque le numéro de « Travers » ayant été rapidement épuisé, il a fait l’objet de deux rééditions depuis, l’une chez Blanc Silex en 2004 et l’autre chez Apogée (augmenté de Passe Ouest) en 2007.
Une fois les textes écrits, c’est Philippe qui a tout organisé : le choix des caractères, la mise en pages… et pour effectuer les dernières corrections, faire le choix des pastels pour le cahier central, je suis allé chez lui à Fougerolles, en Haute-Saône, en compagnie de Georges. Moments inoubliables de partage et d’amitié. Sans doute que cette belle et forte complicité y est pour beaucoup dans le succès et la durée de ce livre. »

B comme Bretagne

« Lorsqu’on est né sur ce vieux massif, à quelques pas de l’océan, on ne peut pas rester indifférent à ce bien étrange et fantastique univers qui nous entoure. Oui, l’errance, la mer, la mort, ces trois thèmes ont toujours accaparé l’imaginaire de nos écrivains de Bretagne, et aussi celui des populations de ce pays. De Tristan Corbière à Paol Keineg, d’Anatole Le Bras à Jacques Josse, de Yves Elléouët à Danielle Collobert… tous ont hérité et nourri leurs œuvres de ces sujets prégnants.
La mort est ici chez elle, plus que partout ailleurs sans doute. La mer et elle ont toujours fait bon ménage, et la campagne également. L’Ankou errant un jour sur sa barcasse au milieu du flot et l’autre sur sa charrette au cœur des bois et des champs, des scènes fortement ancrées dans l’imagerie populaire.
J’entretiens effectivement un profond rapport affectif avec ce pays qui m’a vu naître. L’errance, la mer, la mort, sont aussi des sujets qui m’ont toujours fasciné. Je pense qu’on ne peut y échapper lorsqu’on vit ici. J’ai lu récemment le journal d’une écrivain née à Brest en 1875 et morte à Lorient en 1918 : Marie Lenéru. J’ai retenu cette phrase d’elle, extraite d’une page écrite en 1899, alors qu’elle n’avait que 24 ans : « la mort ne vaut pas d’être une obsession. Elle est à sa place au bout de la vie ; ne l’en dérangeons pas. » C’est de cette façon, je crois, que nous devons composer avec la mort, ne pas l’occulter, mais ne pas en faire notre principal sujet de préoccupation non plus. Autre phrase, extraite du journal de Marie Lenéru, qui m’a particulièrement touché : « Ailleurs, les hommes sont enfouis ; il n’y a que près de la mer qu’on remonte à la surface. » C’est tellement vrai en ce qui me concerne !
J’aime la Bretagne ouverte sur le monde, cette pointe de granit avec sa truffe plantée dans le cul de l’océan, ses beautés sauvages et sa saine fierté, ses poètes, ses créateurs et ses aventuriers. Par contre, je déteste cette autre Bretagne trafiquée, dégradée, crétinisée, labellisée, accaparée par une poignée de trous du cul, théoriciens et rhéteurs fous, nostalgiques d’une époque fort heureusement révolue. Une Bretagne recroquevillée sur elle-même, allergique à toute forme d’accueil et de partage, c’est ça le problème !»

C comme Celtitude


« Ouais, « la celtitude ! », tu trouves pas ça un peu ridicule, toi ? Moi, si ! Tous ces gugusses qui se revendiquent issus des Celtes et en tirent une certaine fierté malsaine, c’est vraiment naze ! Pourquoi pas se prétendre fils de Huns, de Visigoths, d’Ostrogoths ou d’autres peuplades nomades qu’ont ratissé l’Europe en ces périodes fort reculées de notre histoire humaine ? Trop barbares sans doute, ces ancêtres-là. Les Celtes, un peuple éclairé et culturé, c’est quand même plus classe qu’une horde de va-nu-pieds abrutis et sanguinaires !
Ce qui m’emmerde aussi dans tout ça, c’est l’exploitation qui en est faite, le business florissant autour de cette pseudo-culture celtique. Le truc bien torché-empaqueté pour attirer le gogo vacancier, à chier !
En plus, pour certains fragiles du bulbe il s’agit de race, sous des abords culturels bon enfant, encore plus pernicieux et malsains ! Si t’es pas Celte, t’es une merde ! On a déjà entendu ce refrain scandé par des mecs qui défilaient bras levé pour saluer une certaine fierté aryenne. Gaffe, je te dis, faut faire gaffe ! »

K comme Kerouac

« L’un de mes plus grands regrets est de ne pas avoir croisé le chemin de Kerouac lors de sa venue en Bretagne ! 1965, c’est en plus l’année où j’ai découvert Sur la route et l’existence de cet auteur amerloque dont le phrasé allait chambouler mon jeune cerveau et mettre définitivement au rencard toute la littérature aseptisée dont les bons maîtres nous avaient encombrés au fil des années ! J’avais pris la beigne magistrale en lisant Rimbaud et Corbière, et Kerouac arrivait avec son beat déjanté pour achever le boulot entamé par ses deux aînés. Une telle rencontre à 17 ans, ça te marque pour le restant de tes jours !
Oui, le grand Youenn a eu cette chance de devenir pote avec Kerouac. Il a travaillé plusieurs années à New York et est allé voir Jack lorsqu’il habitait avec sa mère et sa femme Stella, à Hyannis, Massachusetts. Jack fut tout de suite séduit par ce grand gaillard de Breton. Il avait enfin trouvé quelqu’un avec qui parler de la « petite Bretagne », à qui poser toutes les questions qui lui taraudaient l’esprit depuis sa plus tendre enfance, depuis le jour où son père lui avait dit : « Ti Jean, n’oublie jamais que tu es Breton. » Jack était au trente-sixième dessous à l’époque où Youenn était venu le voir à Hyannis et cette rencontre fut certainement une balèze bouffée d’oxygène pour lui.
J’ai effectivement commis un court texte intitulé Jack Kerouac et la Bretagne, publié en 2002 par les éditions Blanc Silex, dans la superbe petite collection Bretagne, terre écrite, que dirigeait Marc Le Gros. Certains m’ont, par médias interposés, fait le reproche de ne rien leur apprendre de nouveau sur Kerouac. Ca n’a jamais été mon ambition et je l’explique clairement au début du livre. Qu’est-ce qu’ils voulaient que je leur apprenne, ces cons ? Dis-moi un peu, toi qui connais son œuvre aussi bien que moi, qu’est-ce qu’on pourrait bien trouver de nouveau à dire sur Kerouac, après la flopée de bouquins qui lui ont été consacrés ? »

B comme Beatniks

« J’ai toujours été un môme barré, rêveur, idéaliste, à fleur de tripes, tares sans doute dues aux fées bretonnes un peu pompettes penchées sur mon berceau le jour de ma naissance. Déjà tout jeunot, j’ai toujours eu un faible pour les marginaux, les aventuriers, tous ces êtres qui ont mené leur vie hors des clous, sans calculs, ni jamais se soucier de la « normalité ». Qu’ils soient porteurs d’une œuvre ou pas, ce sont ceux-là qui m’ont toujours paru les plus dignes d’intérêt.
Je me souviens d’une rencontre faite au tout début des années 1960. Je devais avoir une quinzaine d’années. J’étais à Berlin avec ma mère et une amie à elle. Nous nous baladions près des ruines de la cathédrale, lorsque je découvris une petite bande de zonards, cinq ou six mecs à cheveux longs et deux ou trois filles loufoquement fringuées, qui chantaient en grattant leurs guitares, soufflant dans des harmonicas ou tapant sur des tambourins. Ma première rencontre avec les « beatniks » ! J’ai tout de suite trouvé ça génial et me suis dit qu’il fallait absolument que j’apprenne à jouer de la guitare. Le lendemain, j’ai assisté dans le même quartier, à la terrasse d’une taverne, à un mini-concert d’un orchestre folklorique bavarois. L’idée ne m’a pas un seul instant effleuré d’apprendre à jouer du piston ou de la grosse caisse. J’avais eu la révélation, c’était « beatnik » que je voulais faire quand j’serais grand !
C’est au lycée que j’ai découvert Kerouac et les poètes de la Beat. « On the road », la grande beigne dans le bulbe ! Après Rimbaud, Corbière, Cendrars… un frangin de plus m’accompagnerait tout au long de mon chemin d’humain. Ces écrivains ont bouleversé mon existence, mais y’avait sans doute déjà quelque chose, une espèce de virus chopé à la naissance. J’ai trouvé dans leurs œuvres matière à encourager et attiser la petite flamme qui cramait déjà en moi. »

C comme Claude Pélieu

« Claude est et restera à jamais le poète qui m’a le plus marqué et influencé. Sans lui, sans la découverte de ses bouquins, comme Jukeboxes et Tatouages mentholés… puis son Journal blanc du hasard, mon écriture aurait certainement été toute différente de ce qu’elle est aujourd’hui.
J’ai d’abord connu Claude par ses livres, ceux publiés en édition de poche, chez 10/18 – un des rares poètes publiés directement en édition de poche – puis ceux de chez Bourgois et le gros Cahier de l’Herne : Burroughs, Pélieu, Kaufman.



On s’est ensuite côtoyés dans quelques revues et anthologies, comme le Star Screwer de Bernard Froidefond repris par Lucien Suel dans les années 80, ou Le Nouveau Réalisme, une anthologie réalisée par Jacques Donguy pour la collection Poésie 1 des éditions Saint-Germain-des-Prés, ou encore La Nouvelle poésie française par Bernard Delvaille chez Seghers.
Je suivais les publications de Claude et achetais tous ses bouquins dès leur sortie, aussi ses traductions des poètes de la Beat pour Bourgois. J’ai souvent eu envie de le contacter, mais n’ai jamais vraiment cherché à obtenir son adresse. Retenu par une espèce de timidité à la con ! C’était vraiment idiot, car on aurait pu gagner une bonne vingtaine d’années de chouette complicité.


Ça n’est qu’en 1997 que je lui ai écrit, après avoir obtenu son adresse par l’intermédiaire de Lucien Suel, pour lui demander de participer à l’ouvrage collectif La Grande Table que je préparais avec Hervé Merlot pour les éditions La Digitale. Claude m’a tout de suite répondu et on est devenus rapidement potes. Il connaissait mon écriture pour m’avoir lu dans les revues et anthologies où nous figurions souvent ensemble.


Lettre de Calude Pélieu à Alain Jégou



Je suis allé le voir à deux reprises à Norwich, en 1998 puis en 2000. Il était déjà bien malade et morflait terriblement ! Pourtant il continuait à déconner et faire le pitre. Claude était un grand môme qui planquait ses blessures et souffrances derrière un masque de roi de la provoc et de l’humour décapant.


Alain Jégou et Mary Beach



Après sa mort en 2002, j’ai gardé le contact avec Mary et suis allé la voir à deux reprises, à Norwich, puis à Cherry Valley. Mary est morte en 2006. Aujourd’hui, je suis toujours en relation avec Pamela et Jeffery, les enfants de Mary, et le poète beat Charles Plymell, mari de Pam. »

I comme Indiens

« Déjà quand j’étais môme, quand on jouait aux cow-boys et aux Indiens avec mes potes, je choisissais toujours le camp des « méchants sauvages ». J’avais dû déjà percevoir le courage et la fierté de ces peuples et l’infamie dont ils avaient été victimes.
La culture amérindienne m’a toujours fasciné. Leur rapport à la terre et aux éléments, leur profond respect pour la nature, leur détachement de toutes préoccupations matérialistes, leur mépris pour tous comportements vénaux et égoïstes, leur solidarité tribale, leurs mythes et légendes… Toutes ces choses tellement lointaines de nos histoires et cultures judéo-chrétiennes. Je me serais certainement senti plus à l’aise dans une telle société que dans celle où je suis né. Je parle de société, pas d’environnement, car comme je te l’ai dit précédemment, je suis vraiment heureux d’être né en Bretagne, ce qui n’aurait peut-être pas été le cas si j’étais né dans le désert d’Arizona ou dans les Rocheuses du Montana. »

N comme Navajo

« J’étais en Arizona et au Nouveau-Mexique à l’été 1995. Le bateau était en carénage et je disposais d’une dizaine de jours de temps libre. J’en ai donc profité pour faire cette petite virée sur le Territoire de la Tortue (c’est ainsi que les « natives » appellent l’Amérique). Ce fut un chouette périple à travers le désert et les réserves. Débarqué à Phoénix, Arizona, j’ai loué une bagnole pour monter au Grand Canyon, puis j’ai mis le cap sur le Nouveau-Mexique, en passant par Flagstaff, Holbrook, Gallup (où j’ai fait un brin de chemin sur la mythique Road 66), Albuquerque, Santa Fe, Taos, Los Alamos, Las Cruces, El Paso, Tucson, et retour à Phoénix. Je raconte aussi tout ça dans un bouquin publié par La Digitale : « Paroles de sable ».
Tout ne s’est bien sûr pas passé comme je l’avais imaginé. Les voyages, ça ne se passe jamais comme on les prévoit et imagine, mis à part ceux organisés par les tour-opérateurs. J’avais quelques adresses de poètes amérindiens fournies par Manuel Van Thienen, leur traducteur pour la France, mais soit ils étaient absents lors de mon passage, soit je passais trop loin de chez eux pour les visiter. J’ai donc laissé tomber très vite mon carnet d’adresses et ai suivi mon bonhomme de chemin à l’instinct. Y’a tellement de lieux magiques et bouleversants dans le désert qu’il suffit de se laisser porter pour faire des découvertes et rencontres exceptionnelles. C’est ce que j’ai fait durant cette dizaine de jours. »

L comme Lance Henson

« Lance est venu deux fois chez nous. La première fois en mars 1995 avec Manuel Van Thienen, son traducteur et ami, qui me l’a fait connaître. La deuxième fois, il est venu seul et nous avons fait une tournée de lectures en Bretagne ensemble. C’était en février 1998. Je me souviens qu’il faisait anormalement froid cet hiver-là et que nous avons sacrément caillé sur les routes du Centre Bretagne. Heureusement que le lambig (eau de feu bretonne) coulait abondamment dans nos veines et qu’il y avait les sourires des squaws du cru pour réchauffer nos cœurs. J’ai écrit un poème là-dessus, publié dans « Qui contrôle la situation ? » à La Digitale.

Lance n’est pas venu en mer sur « l’Ikaria ». Les Affaires maritimes ne nous autorisent pas à embarquer des passagers en hiver. C’est trop dangereux. Il est cependant venu à bord dans le port. Il voulait voir comment c’était foutu un bateau de pêche breton. Il trouvait l’habitacle vachement exigu. Il s’est marré en visitant le poste d’équipage et m’a dit : « lorsque je ne saurai plus où aller pour me planquer du FBI, je viendrais volontiers me réfugier sur ton bateau. Et si t’as des problèmes avec les fédéraux d’ici, je t’accueillerai dans mon tipi en Oklahoma, OK ? » « No problem, brother », que je lui ai répondu et on est allés siroter quelques bières bretonnes dans un des nombreux bistrots du port pour arroser notre nouveau traité.Une autre fois, nous nous baladions sur le rivage. Les vents du large soufflaient fort depuis plusieurs jours et la mer était grosse. Lance avait du tabac et de petits cailloux d’Oklahoma dans une bourse qu’il portait autour du cou. À un moment, il s’est tourné face à l’océan, a déposé quelques brins de tabac dans l’eau et a jeté deux ou trois petits galets dans les vagues. Il a ensuite médité quelques minutes puis est venu vers moi et m’a dit : « J’ai parlé pour toi à l’océan, brother. Demain tu pourras retourner en pêche en toute sérénité ». Ce fut un grand moment de partage et d’émotion. »

Lecture de "Ombre rosse" par la poète cheyenne Lance Henson en 2005

Indian American Mouvement

L’American Indian Movement (AIM) est une association qui milite pour la reconnaissance des droits des amérindiens. Le mouvement est apparu sur la scène nationale avec l’occupation non-violente de l’île d’Alcatraz de 1969 à 1971, soutenue par le Black Panther Party.

L’AIM manifeste depuis sa création pour la défense des intérêts des amériendiens (Native Americans). Elle inspire un renouveau culturel, contrôle les activités de la police et coordonne des programmes d’emploi dans des villes et au sein de communautés rurales à l’intérieur des réserves sur l’ensemble du territoire américain. Elle apporte également son soutien à d’autres causes indigènes en dehors du territoire des Etats-Unis.

Depuis 1976, l’AIM demande la révision du procès d’un de ses militants, Léonard Peltier, condamné à perpétuité depuis 1976 pour le meurtre présumé d’un agent du F.B.I. dans la réserve de Pine Ridge.

Le récit de voyage en terre navajo publié en 1995 par Alain Jégou sous le titre Paroles de sables est dédié à Léonard Peltier.

La Beat Generation

La Beat Generation désigne un mouvement littéraire née au Etats-Unis à la fin des années 50 autour de quatre hommes : Jack Kerouac, Allen Ginsberg, Neal Cassady et William Burroughs.

Ces écrivains contestataires et révoltés dénoncent par leur écrits et leur mode de vie la société de consommation de leur époque, le fameux American Way of Life. Certains se droguent, mènent une vie de bohème et rejettent tous les tabous. Pour autant, ces auteurs sont en quête d’une vie plus « pure », plus spirituelle, loin de tout matérialisme, hypocrisie et superficialité.

L’œuvre emblématique de la Beat Generation demeure aujourd’hui encore Sur la route de Jack Kerouac publié en 1948. Ce livre marqua bon nombre de jeunes écrivains dès les années 60.

En éditant les écrits des auteurs de la Beat, la Librairie City Lights fondée par le poète Lawrence Ferlinghetti deviendra un haut lieu de ce mouvement.
City Lights publia dès 1963 le premier ouvrage de Claude Pélieu, seul poète français de la Beat.
Dans le courant des années 60, appelé beatniks par dérision, le mouvement de la Beat Generation furent récupéré, non sans malentendus, par le mouvement hippie.

Interview de Jack Kervouac par la TV canadienne

Revues et fanzines des années 70

Dans les années 70 de très nombreuses revues et fanzines consacrées à la poésie voient le jour. Souvent l’œuvre de passionnés, ces magazines ronéotypés sont le lieu privilégié de l’expression de la révolte et de la liberté de toute une génération de jeunes poètes dont Alain Jégou. Cette génération en révolte n’hésite pas à s’attaquer au écrivains établis et reconnus comme Alain Bosquet dans ce document :

Parmi les publications nées à la fin des années 60 et aux début des années 70, dans lesquelles sont publiés des textes d’Alain Jégou, on peut citer : Zone, Mai Hors, Saison, Dérive, Bunker, Le Sphinx et Ecchymose.









Publications

1972 - Vivisection. - éd. Millas-Martin

1974
- Fleurs scalpées du silence. - éd. Les cahiers de l'hirondelle


1978
- La Suie-Robe des sentiers suicidaires. - Samipec

1983
- Opaque. - éd. Vrac
1983 - Ce qui vitriole le silence
1983 - Pierre
1983 - Jusqu'à l'aube par effraction. - éd. Hôtel Continental

1988 - Amers. - éd. Atelier Landsable

1989
- Partance. - éd. Atelier Landsable

1991 - Totems d'ailleurs. - éd. Le Dé Bleu
1991 - Couleurs d'étreintes

1993 - Numa Naha. - éd. Wigwam

1994
- Cocktail barbare. - éd. Alcatraz Presse

1995
- Comme du vivant d'écume. - éd. La Digitale
1995 - Fionie folie. - éd. Alcatraz Presse
1995 - Flanchent aussi les nuits. - éd. Barrio Chino

1996 - Abtrift/Dérive. - éd. AVA
1996 - A l'éperdu des songes. -éd. L'Atelier

1997 - Visage sans tain. - éd. L'Atelier
1997 - Paroles de sable. - éd. La Digitale

1998 - Afflux. - éd. Atelier Landsable
1998 - La Grande Table. - éd. La Digitale
1998 - Ikaria LO 686070. - éd. Travers

1999 - May Day. - éd. Gros Textes
1999 - Kerouac City Blues. - éd. La Digitale

2000 - La piste des larmes. - éd. Blanc Silex

2001 - Avis de tempête et de fort coup de dent dans la baraque des temps. - éd. La Digitale
2001 - Cocktail barbare. (CD) - éd. Saint-Germain-Des-Prés

2002 - Chair de Sienne. - éd. Cadex
2002 - Kerouac et la Bretagne. - éd. Blanc Silex

2003 - Ombres furtives/ Flüchtige schatten. - éd. AVA

2004 - Gracias a la vida. - éd. Le chat qui tousse
2004 - karia LO 686070, carnet de bord. - éd. Blanc Silex

2005 - Qui conrôle la situation ? . - éd. La Digitale

2005 - Juste de passage (Paso por aqui). - éd.Citadel Road Editions
2005 - Symphonie érotique. -éd. Fibles libres & L'Autre Rive

2007 - O Felo. - éd. AMASTRA-N-GALLAR
2007 - Passe Ouest suivi de Ikaria LO 686070. - éd. Apogée
2007 - Cash, suivi de Dérive et Ombres furtives. - éd. L'Autre Rive


2009 - Fatal ressac avec Joëlle Quatresous. - éditions Les chemins bleus (collection nuage noir polar)


2010 - Paysages écrits - dessin de Georges Le Bayon, correspondance entre Alain Jégou et Jacques Josse. - éditions Folle Avoine.

2011 - Exode - Livre d'artistes avec Alain Le Beuze et les gravures de Georges Le Fur

2012 - Ne laisse pas la mer t'avaler. - éditions des Ragosses.






2012 - Une meurtrière dans l'éternité suivi de Boucaille Postface de Ghislain Ripault - éditions Gros Textes, collection l'espace d'un soupir.





2015 - Direct live d'Alain Jégou  avec une préface de Benoît Delaune