Ghislain Ripault

Jégou le Véhément

« Les mots sanglants comme des bateaux blessés sur une mernoire. »

Breyten Bretenbach

Alain Jégou est le seul poète de cette trempe que je connaisse – ce n’est pas froufrou de musette que de dire qu’il affronte les éléments ! Il l’a fait pendant ses années de camaraderie houleuse, pêcheur et capitaine d’un Ikaria sans complaisance avec les Glénan et l’île d’Yeu, comme il reste sur le pont du bateau-swing des mots, toujours le cœur en tempête, à purger l’avarie ou l’avanie. Car l’homme ne fait point relâche quand il tangue sur la terre dite ferme : la combine n’est pas son style, les accommodements non plus, à l’exemple de ses amis brûleurs de toutes sortes de durs depuis des siècles. De Villon, Jehan Rictus à Léo Ferré, Jim Morrison, John Trudell, Kerouac, avec une mention spéciale à Claude Pélieu en mémoire duquel il a coordonné un livre-choral. Sans oublier les Indiens d’Amérique du Nord, les auteurs de romans noirs et autres bourlingueurs des bas et hauts fonds... Tous « gens comme d’océan », ces chahuteurs de syntaxe, frayeurs de passages lyriques au vif, sont prompts, dirait-il, à dévioquer la phrasure, empenner d’éclats la parlerie sur le rafiot Poésie : « L’indomptable désir/ qui fait mouvoir les formes/ et les pensées saillir. » Jusqu’à l’os des disparus, sculpté en fronde, qui vaut poussière d’étoiles.

Ghislain Ripault, 23 novembre 2008

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