Papy Beat Generation Alain Jégou Jean Azarel Lucien Suel

"Baby beats". C’est ainsi que Richard Brautigan avait un jour nommé ceux qui, succédant à Kerouac, Ginsberg, Corso, Burroughs, se retrouvaient souvent au début des années 70 aux abords de la librairie / maison d’édition City Lights Books à San Francisco.Il y avait là Thomas Rain Crowe, Philip Daughtry, David Moe, Ken Wainio, Roderick Iverson, Kaye McDonough, Neeli Cherkovski et quelques autres, poètes aujourd’hui encore peu connus en France mais que l’on peut néanmoins découvrir grâce au livre bilingue (avec CD) Baby beat generation, une anthologie que leur a consacré Mathias de Breyne en 2005 (éditions La Main courante).
C’est après avoir pris connaissance de cet ouvrage et au vu des quatre décennies qui se sont écoulées depuis l’acte de baptême signé Brautigan, que Jean Azarel (poète né à Montréal, vivant aujourd’hui dans le Gard) a décidé de lancer le projet "Papy beat".
Associé à deux poètes français proches de la Beat Generation,Alain Jégou (auteur de Passe Ouest – éditions Apogée – à qui l’on doit également le livre collectif Je suis un cut-up vivant conçu en hommage à Claude Pélieu) et Lucien Suel (auteur, entre autres, de Mort d'un jardinier – éditions Table ronde puis Folio) – et traducteur du Livre des esquisses de Kerouac), il a longuement travaillé sur cet ensemble hors norme dans lequel le flux saccadé propre aux textes des auteurs « beat » américains se perçoit d’entrée de jeu. Tous trois montrent ce que l’on savait déjà : cette écriture n’a pas de frontières. Elle n'est pas non plus isolée dans une époque précise. Elle bouge, elle vibre par à-coups, par scansions, par flashes, par collages. Errances, références musicales diverses tirant plutôt vers le blues et le jazz (mais Patti Smith, Dylan, Canned Heat, Janis Joplin s'y retrouvent) et critiques acerbes d'une société où prévaut le monde de la finance, du pouvoir et des égos survitaminés donnent une assise solide à l'ensemble. Le déroulé d'un passé proche – jamais magnifié – que chacun décline à sa façon, suivant la teneur de sa sensibilité mise en alerte ou à l'épreuve est explicitement relié à un présent pas plus avenant de ce côté-ci de l’Atlantique que de l’autre.
Les voix de Jean Azarel, de Alain Jégou et de Lucien Suel s’entremêlent, se parlent, se répondent et réussissent à créer des textes collectifs la plupart du temps très proches de l’oralité. Chacun garde sa singularité (en intervenant d'ailleurs de temps à autre seul) et tous portent leur histoire, leurs colères, leurs révoltes, leurs rêves et leur énergie intacte via proses et poèmes syncopés et vifs qui transmettent leur tempo nerveux au lecteur.

« C’est peut-être ça qui nous tient ensemble, le fil invisible qui nous lie, des couleurs partout. Des bourrasques. Nos déveines. Nos chagrins d’amour passés à la moulinette de Cream et des extases au son du Gong. »

Jacques Josse

Fatal Ressac

Fatal Ressac est un roman policier écrit à deux mains par Alain Jégou et Joëlle Quatresous. Publié aux éditions Les Chemins bleus.

Lucas Manzini, Lieutenant de la Brigade des stups de Rennes, et Fred Bottron journaliste au Morbihan Eclair de Lorient, ont décidé de faire équipe pour mettre fin au business des trafiquants qui opèrent sur l’axe Tanger-Lorient-Versailles. Embuscades, poursuites, représailles...
Le flic intransigeant et la fougueuse journaliste parviendront-ils à échapper au "fatal ressac» orchestré pour les barons de la drogue ?

Quelques mots pour commencer

Le poète Alain Jégou est aujourd'hui largement connu et reconnu. Il fut célébré à deux reprises en 2008 avec le prix Henri Queffelec et le prix Xavier Grall.

L'exposition présentée à
la médiathèque de Quimperlé du 3 février au 29 avril 2009 vous invite à découvrir l'homme et son univers qui sont indissociables de sa poésie.

Alain Jégou évoque sa vie et notamment son enfance, mai 68 et son travail de marin-pêcheur. Il nous parle aussi des trois thèmes qui traversent son œuvre : la mer , la Beat Generation et les Indiens d'Amérique du Nord.

Une partie de cette exposition donne la parole à d'autres poètes qui ont bien voulu témoigner de leur amitié avec Alain Jégou.

Les textes d'Alain Jégou sont tous inédits. Ils sont extraits d'une "mail-interview" réalisée avec Bruno Sourdin, journaliste, poète et mail-artiste.

Vernissage de l'exposition le Mardi 3 février à 18h30


Dans la cadre du festival de la parole poétique :

Lecture d'Alain accompagnée du saxophoniste Bruno Thiery le vendredi 13 mars à 18h45 à la médiathèque
Les textes d'Alain Jégou sont tous inédits. Ils sont extraits d'une "mail-interview" réalisée avec Bruno Sourdin, journaliste, poète et mail-artiste. Robert Le Gall, Georges Le Fur et J.P Coïc sont les auteurs de plusieurs illustrations qui figurent sur ce blog.

E comme Enfance

« Je suis né à Larmor-Plage, à une petite centaine de mètres de l’océan, le 7 octobre 1948. Mes parents habitaient à Lorient, ville détruite à 99 % durant la guerre et pas encore totalement reconstruite en 1948. La maternité de l’hosto ne pouvant assurer tous les accouchements, et y’en avait un max en ces années du baby-boom, ma mère m’a mis au monde dans une "baraque américaine" transformée en clinique.
Photo de Robert Le Gall
Le climat familial était excellent. Lorsque j’avais cinq ans, mes parents ont quitté la ville de Lorient pour s’installer en bord de mer, dans cette maison du Fort-Bloqué dont j’ai hérité à la mort de mon père et où je vis aujourd’hui. Comme tous les mômes de l’après-guerre, j’ai eu ce privilège de pouvoir vivre et m’éclater au grand air, libre de tous mes mouvements et déplacements sur ces rivages sauvages, pas encore bouffés par le bitume et le béton. Mes parents, très occupés par leur boulot, nous déposaient, ma sœur et moi, à l’école le matin et nous récupéraient le soir. Durant les vacances, nous étions livrés à nous-mêmes et nous éclations avec nos copains et copines sur la plage et dans les dunes.

C’est seulement vers l’âge de 12-13 ans que les belles années ont mal viré, lorsque mes parents, lassés de mes indisciplines et je-m’en-foutisme, ont décidé de me coller en pension pour me faire apprendre les bonnes manières et le goût du travail, dans un bagne tenu par des curetons, à 100 bornes du foyer familial. Faut dire que je l’avais bien cherché. J’ai sacrément morflé durant les 4 ans passés dans cette taule de maniaques en soutanes ! Quatre ans de sévices et punitions qui ont fait de moi le rebelle et l’anticlérical que je suis et demeurerai jusqu’à la fin de mes jours… »

M comme Mai 68

« J’étais à Lorient en mai 68, loin de la grosse baston et des barricades. Y’avait pas d’université ici. C’était un peu chaud dans les lycées et les travailleurs des arsenaux commençaient à groumer. Moi je glandais et j’ai pas vraiment pris part au mouvement. J’avais pas attendu le mot d’ordre des gonzes de Nanterre pour ruer dans les brancards. Ça faisait déjà quelques années que je m’étais engouffré dans le flux libertaire. Les trotskos, les maos… j’avais franchement du mal à supporter. J’avais pas tort de me méfier. On a vu ce que ça a donné et ce que sont devenus ces révolutionnaires-là.
Par contre y’avait toute une bande de mecs des Beaux-Arts de Lorient, proches des Situs, vers qui allait ma sympathie. Toute une équipe de joyeux drilles qui organisaient des manifs et débats dans différents lieux de la ville. C’était la grosse fiesta !
Tous les mômes se prenaient pour le Che, Fanon ou Lumumba. Et ils y croyaient à leur putain de Révolution ! Et j’y ai cru aussi. Tous ces gniards, conçus dans la liesse de la Libération, allaient montrer à leurs parents de quoi ils étaient caps, qu’eux aussi avaient la fibre résistante (et pas de la dernière heure, la leur) foncièrement allergiques à toutes ces conneries de vie d’un autre âge que quelques généraux gâteux voulaient leur imposer. Ils allaient voir, les vioques, de quels idéaux ils se chauffaient !
Hormis le bel élan idéaliste, ce qui m’a le plus enthousiasmé dans cette révolution, c’est la façon dont les filles ont fait sauter le cadenas de leurs ceintures de chasteté, comme elles nous ont mis leur libido en pogne pour nous inviter à la faire exulter. Rien que pour ça, ça valait vraiment le coup de la faire, cette foutue Révolution ! »

A comme Auteurs

« Trois auteurs m’ont profondément marqué, dans l’ordre chronologique de mes lectures : d’abord Rimbaud, vraiment découvert quand j’avais une quinzaine d’années, puis Corbière, vers l’âge de 17 ans et Kerouac, à peu près au même moment.
Depuis ces années de l’adolescence, une flopée d’autres écrivains sont venus se joindre à la tribu des intimes, des mecs comme John Fante, Richard Brautigan, Charles Bukowski, Bob Kaufman, Gregory Corso… mais aussi quelques Français comme Gaston Criel, André Laude, Yves Martin… Et celui dont je me sens le plus proche aujourd’hui, c’est incontestablement Claude Pélieu. Claude est et restera à jamais le poète qui m’a le plus marqué et influencé. Sans lui, sans la découverte de ses bouquins, comme Jukeboxes et Tatouages mentholés… puis son Journal blanc du hasard, mon écriture aurait certainement été toute différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Claude a été dans les années 1970, sans le vouloir, une espèce de fanal, un grand frangin qui a ouvert et éclairé la piste pour bon nombre de jeunes poètes de notre génération. ça le ferait sûrement marrer s’il m’entendait dire ça. »