Blog consacré à l’œuvre poétique d'Alain Jégou par Pascal Thibault, bibliothécaire
C comme Celtitude
« Ouais, « la celtitude ! », tu trouves pas ça un peu ridicule, toi ? Moi, si ! Tous ces gugusses qui se revendiquent issus des Celtes et en tirent une certaine fierté malsaine, c’est vraiment naze ! Pourquoi pas se prétendre fils de Huns, de Visigoths, d’Ostrogoths ou d’autres peuplades nomades qu’ont ratissé l’Europe en ces périodes fort reculées de notre histoire humaine ? Trop barbares sans doute, ces ancêtres-là. Les Celtes, un peuple éclairé et culturé, c’est quand même plus classe qu’une horde de va-nu-pieds abrutis et sanguinaires !
Ce qui m’emmerde aussi dans tout ça, c’est l’exploitation qui en est faite, le business florissant autour de cette pseudo-culture celtique. Le truc bien torché-empaqueté pour attirer le gogo vacancier, à chier !
En plus, pour certains fragiles du bulbe il s’agit de race, sous des abords culturels bon enfant, encore plus pernicieux et malsains ! Si t’es pas Celte, t’es une merde ! On a déjà entendu ce refrain scandé par des mecs qui défilaient bras levé pour saluer une certaine fierté aryenne. Gaffe, je te dis, faut faire gaffe ! »
K comme Kerouac
J’ai effectivement commis un court texte intitulé Jack Kerouac et la Bretagne, publié en 2002 par les éditions Blanc Silex, dans la superbe petite collection Bretagne, terre écrite, que dirigeait Marc Le Gros. Certains m’ont, par médias interposés, fait le reproche de ne rien leur apprendre de nouveau sur Kerouac. Ca n’a jamais été mon ambition et je l’explique clairement au début du livre. Qu’est-ce qu’ils voulaient que je leur apprenne, ces cons ? Dis-moi un peu, toi qui connais son œuvre aussi bien que moi, qu’est-ce qu’on pourrait bien trouver de nouveau à dire sur Kerouac, après la flopée de bouquins qui lui ont été consacrés ? »
B comme Beatniks
Je me souviens d’une rencontre faite au tout début des années 1960. Je devais avoir une quinzaine d’années. J’étais à Berlin avec ma mère et une amie à elle. Nous nous baladions près des ruines de la cathédrale, lorsque je découvris une petite bande de zonards, cinq ou six mecs à cheveux longs et deux ou trois filles loufoquement fringuées, qui chantaient en grattant leurs guitares, soufflant dans des harmonicas ou tapant sur des tambourins. Ma première rencontre avec les « beatniks » ! J’ai tout de suite trouvé ça génial et me suis dit qu’il fallait absolument que j’apprenne à jouer de la guitare. Le lendemain, j’ai assisté dans le même quartier, à la terrasse d’une taverne, à un mini-concert d’un orchestre folklorique bavarois. L’idée ne m’a pas un seul instant effleuré d’apprendre à jouer du piston ou de la grosse caisse. J’avais eu la révélation, c’était « beatnik » que je voulais faire quand j’serais grand !
C’est au lycée que j’ai découvert Kerouac et les poètes de la Beat. « On the road », la grande beigne dans le bulbe ! Après Rimbaud, Corbière, Cendrars… un frangin de plus m’accompagnerait tout au long de mon chemin d’humain. Ces écrivains ont bouleversé mon existence, mais y’avait sans doute déjà quelque chose, une espèce de virus chopé à la naissance. J’ai trouvé dans leurs œuvres matière à encourager et attiser la petite flamme qui cramait déjà en moi. »
C comme Claude Pélieu
J’ai d’abord connu Claude par ses livres, ceux publiés en édition de poche, chez 10/18 – un des rares poètes publiés directement en édition de poche – puis ceux de chez Bourgois et le gros Cahier de l’Herne : Burroughs, Pélieu, Kaufman.
On s’est ensuite côtoyés dans quelques revues et anthologies, comme le Star Screwer de Bernard Froidefond repris par Lucien Suel dans les années 80, ou Le Nouveau Réalisme, une anthologie réalisée par Jacques Donguy pour la collection Poésie 1 des éditions Saint-Germain-des-Prés, ou encore La Nouvelle poésie française par Bernard Delvaille chez Seghers.
Je suivais les publications de Claude et achetais tous ses bouquins dès leur sortie, aussi ses traductions des poètes de la Beat pour Bourgois. J’ai souvent eu envie de le contacter, mais n’ai jamais vraiment cherché à obtenir son adresse. Retenu par une espèce de timidité à la con ! C’était vraiment idiot, car on aurait pu gagner une bonne vingtaine d’années de chouette complicité.
Ça n’est qu’en 1997 que je lui ai écrit, après avoir obtenu son adresse par l’intermédiaire de Lucien Suel, pour lui demander de participer à l’ouvrage collectif La Grande Table que je préparais avec Hervé Merlot pour les éditions La Digitale. Claude m’a tout de suite répondu et on est devenus rapidement potes. Il connaissait mon écriture pour m’avoir lu dans les revues et anthologies où nous figurions souvent ensemble.
Après sa mort en 2002, j’ai gardé le contact avec Mary et suis allé la voir à deux reprises, à Norwich, puis à Cherry Valley. Mary est morte en 2006. Aujourd’hui, je suis toujours en relation avec Pamela et Jeffery, les enfants de Mary, et le poète beat Charles Plymell, mari de Pam. »
I comme Indiens
La culture amérindienne m’a toujours fasciné. Leur rapport à la terre et aux éléments, leur profond respect pour la nature, leur détachement de toutes préoccupations matérialistes, leur mépris pour tous comportements vénaux et égoïstes, leur solidarité tribale, leurs mythes et légendes… Toutes ces choses tellement lointaines de nos histoires et cultures judéo-chrétiennes. Je me serais certainement senti plus à l’aise dans une telle société que dans celle où je suis né. Je parle de société, pas d’environnement, car comme je te l’ai dit précédemment, je suis vraiment heureux d’être né en Bretagne, ce qui n’aurait peut-être pas été le cas si j’étais né dans le désert d’Arizona ou dans les Rocheuses du Montana. »
N comme Navajo
Tout ne s’est bien sûr pas passé comme je l’avais imaginé. Les voyages, ça ne se passe jamais comme on les prévoit et imagine, mis à part ceux organisés par les tour-opérateurs. J’avais quelques adresses de poètes amérindiens fournies par Manuel Van Thienen, leur traducteur pour la France, mais soit ils étaient absents lors de mon passage, soit je passais trop loin de chez eux pour les visiter. J’ai donc laissé tomber très vite mon carnet d’adresses et ai suivi mon bonhomme de chemin à l’instinct. Y’a tellement de lieux magiques et bouleversants dans le désert qu’il suffit de se laisser porter pour faire des découvertes et rencontres exceptionnelles. C’est ce que j’ai fait durant cette dizaine de jours. »
L comme Lance Henson
Lance n’est pas venu en mer sur « l’Ikaria ». Les Affaires maritimes ne nous autorisent pas à embarquer des passagers en hiver. C’est trop dangereux. Il est cependant venu à bord dans le port. Il voulait voir comment c’était foutu un bateau de pêche breton. Il trouvait l’habitacle vachement exigu. Il s’est marré en visitant le poste d’équipage et m’a dit : « lorsque je ne saurai plus où aller pour me planquer du FBI, je viendrais volontiers me réfugier sur ton bateau. Et si t’as des problèmes avec les fédéraux d’ici, je t’accueillerai dans mon tipi en Oklahoma, OK ? » « No problem, brother », que je lui ai répondu et on est allés siroter quelques bières bretonnes dans un des nombreux bistrots du port pour arroser notre nouveau traité.Une autre fois, nous nous baladions sur le rivage. Les vents du large soufflaient fort depuis plusieurs jours et la mer était grosse. Lance avait du tabac et de petits cailloux d’Oklahoma dans une bourse qu’il portait autour du cou. À un moment, il s’est tourné face à l’océan, a déposé quelques brins de tabac dans l’eau et a jeté deux ou trois petits galets dans les vagues. Il a ensuite médité quelques minutes puis est venu vers moi et m’a dit : « J’ai parlé pour toi à l’océan, brother. Demain tu pourras retourner en pêche en toute sérénité ». Ce fut un grand moment de partage et d’émotion. »
Lecture de "Ombre rosse" par la poète cheyenne Lance Henson en 2005
Indian American Mouvement
L’AIM manifeste depuis sa création pour la défense des intérêts des amériendiens (Native Americans). Elle inspire un renouveau culturel, contrôle les activités de la police et coordonne des programmes d’emploi dans des villes et au sein de communautés rurales à l’intérieur des réserves sur l’ensemble du territoire américain. Elle apporte également son soutien à d’autres causes indigènes en dehors du territoire des Etats-Unis.
Depuis 1976, l’AIM demande la révision du procès d’un de ses militants, Léonard Peltier, condamné à perpétuité depuis 1976 pour le meurtre présumé d’un agent du F.B.I. dans la réserve de Pine Ridge.
Le récit de voyage en terre navajo publié en 1995 par Alain Jégou sous le titre Paroles de sables est dédié à Léonard Peltier.
La Beat Generation
La Beat Generation désigne un mouvement littéraire née au Etats-Unis à la fin des années 50 autour de quatre hommes : Jack Kerouac, Allen Ginsberg, Neal Cassady et William Burroughs.
Ces écrivains contestataires et révoltés dénoncent par leur écrits et leur mode de vie la société de consommation de leur époque, le fameux American Way of Life. Certains se droguent, mènent une vie de bohème et rejettent tous les tabous. Pour autant, ces auteurs sont en quête d’une vie plus « pure », plus spirituelle, loin de tout matérialisme, hypocrisie et superficialité.
L’œuvre emblématique de la Beat Generation demeure aujourd’hui encore Sur la route de Jack Kerouac publié en 1948. Ce livre marqua bon nombre de jeunes écrivains dès les années 60.
En éditant les écrits des auteurs de la Beat, la Librairie City Lights fondée par le poète Lawrence Ferlinghetti deviendra un haut lieu de ce mouvement.
City Lights publia dès 1963 le premier ouvrage de Claude Pélieu, seul poète français de la Beat.
Dans le courant des années 60, appelé beatniks par dérision, le mouvement de la Beat Generation furent récupéré, non sans malentendus, par le mouvement hippie.
Interview de Jack Kervouac par la TV canadienne