- 2002 - Pit Weyer - Affiches de théâtre. - éd. Kermer-Muller, Luxembourg
Blog consacré à l’œuvre poétique d'Alain Jégou par Pascal Thibault, bibliothécaire
Contribution à des catalogues d'expo
- 2002 - Pit Weyer - Affiches de théâtre. - éd. Kermer-Muller, Luxembourg
contribution à des revues
- En France : Zone, Aroba, Exit, Plasma, L'Ecchymose, Star Screwer, A Haute Voix, La Lumière galopante, Foldaan, Barbare, Les testicules du Hasard, Ecriterres, La Foire à Bras, Levée d'Encre, Vrac, Le Sphinx, Bunker, Regart, Le Guépard, Intervention à Haute Voix, Travers, Le Cheval Rouge, Le Guide Céleste, Camouflage, Poésimage, Verso, Les Cahiers de Poésie-rencontre, Les Hommes sans épaules, Spered Gouez, Possibles, Delta, Aube magazine, La Dame Ovale, Un siège pour les aigles, Gros Textes, Hôtel Ouistiti, Le Libre Olibrius, Comme ça et Autrement, Tiens, Mai hors saison, La Rivière échappée, Couleur dite / Parole peinte, Décharge, Comme en poésie, Epistoles de montagne, Europe, Plein Chant, Traction-Brabant, Avel IX, Trémalo, Spered Gouez.
- En Belgique : Grip, Atelier V, Filigranes, Tombe tout court,
- Au Luxembourg: Estuaires
- En Allemagne : Kohlepapier,
- En Italie : Sorbo Rosso,
- Heyoka (revue de l'Association d'Information et de Soutien aux Indiens d'Amérique)
Le cut up
Claude Pélieu
En 1963, accompagné de sa femme Mary Beach il s’installe aux Etats-Unis où il fréquente les écrivains de la Beat Generation.
On doit à Claude Pélieu et Mary Beach les premières traductions françaises d’écrivains Beat comme William S. Burroughs, Bob Kaufman, Allen Ginsberg, Timothy Leary, Ed Sanders pour les éditions Bourgois.
Mais Claude Pélieu est aussi l’auteur d’une oeuvre poétique abondante ainsi que de nombreux collages. A Paris, il fut influencé par les surréalistes, puis, après ses rencontres avec les poètes beat, il adopte la technique du cut up avant de personnaliser son style. Il est considéré comme le seul poète beat français.
Ouvrages collectifs et anthologies
1975 - Le nouveau réalisme. - éd. Saint-Germain-de-Prés
1977 - La nouvelle poésie française. - éd. Seghers
1979 - De l'errance ordinaire. - éd. Repères
1980 - Almanach 1980. - éd. Encre
1980 - Anthologie 80, 10 ans d'expression poétique. - éd. Le Castor Astral
1981 - Le rêve en poésie. - éd. Gallimard
1986 - Foldaan n°7
1989 - Un état des lieux, 23 poètes de Bretagne aujourd'hui. - éd. Ubacs
1992 - Poésie der/en Bretagne. - éd. AVA
- Bretagne : En Avant Toute !. - Revue Estuaires
1997 - Glenmor, Terre insoumise aux yeux de mer. - éd. Blanc Silex
1999 - Quimper est Poésie n°23
2001 - Do Lado Dos Ollos, Arredor da poesia, entrevistas con 79 Poetas du Mundo. - éd. Edicions do Cumio
2002 - Poèsie de Bretagne aujourd'hui. - éd. La Barbacane
2003 - Rêveurs de grève. -Ouest-france
2003 - Anthologie sauvage, Spered Gouez
2005 - Europe, Littérature de Bretagne
2006 - L'année poétique 2005. - éd. Seghers
2006 - Intime Loire, photographies et poèmes. -éd. Livres mémoires
1999 - Les poètes de Bretagne : une grande rêverie celtique. - éd. Le Cherche Midi
2007 - 111 bretons des temps modernes. - Ar Men
2009 - Je suis un cut-up vivant : Claude Pélieu. - éd. L'Aganier
2010 - Papy Beat Generation. éd. Hors sujet
CD et DVD
Vivisection
IMPLOSION VISCERALE
Noir frappant de sa respiration hâtive
son poème recroquevillé sur le billot des songes
Artaud les yeux noués sur le feu des temps
les doigts enfoncés les ongles noirs dans sa poitrine lasse
des mots cloués un à un dans le bois de sa vision
voir mes dents se briser sur ces barreaux
mon coeur éclater se répandre sur mes lèvres
mes yeux mes yeux liés à mes tempêtes du dedans
....
Eclaircie
déchirure d'un couchant de granit
les ports aversent des brumes bleutées
opaque des gencives sous l'étreinte d'alcool
ça sirupe de boucaille dans les regards immobiles
ça détrône du vif dans l'irrespirable de psaumes
à dégrossir des furies de houle
des écarts de vents sous les lambeaux d'un ciel d'angoisse
les pétales de lune voisinent avec les voiles
dans les torpeurs de calmes plats
où faseyent les coeurs
où murmurent les grèves dénudées
les feux du large clignotent comme ceux d'un claque bondé
coeur embrumé qui en partance
sous la gîte du crâne
s'estompe dans l'espace mauve du couchant
lui reviennent litanies
parcelles d'attouchements
étreintes au ventre d'une poulie coupée
les images frisées dégoulinent en plein silence
des nuages courent sur la mélasse du crâne
un grain creuse dans la nuit
une douce hemorragie sous le scalp des vents portants
de suroît soudaine réalité de trime
fièvre
la mer querelle les étoiles
l'urine fraîche des vagues lessive la douleur
du partir
brûlure enfouie sous la poudre d'écume
il reste de l'exil à parfaire le sillage
les geste de survie sont minoritaires
Un chrysanthème dans le pif
Aujourd'hui le ciel de Bretagne à le sourire qui fuit
Mélanco naze flottant sur la houle des clavaires
Marée bigote lécheuse de traditions
Le pays a le chrysanthème louche
Foi de convenances et recueillements chroniques
D'Amérique les mots que je relie ont meilleure attitude
Et la saine amplitude des raz-de-marée impies
Illuminations verbales loin la boucaille d'ici
Qui embourbe tragiquement l'espace et les esprits
Quelques pincées de vie soigneusement enveloppées
Arrimées aux clameurs de tripes et sentiments
Quelques tons survivants superbement poignants
Rétifs à toutes niaiseries et convenances à la con
Quelques tons survivants superbement poignants
Renouer avec l'ampleur des envolées sublimes
Recouvrer l'énervance et les envies qui priment
En ce jour gris et glauque de tapineuse langueur et
Pieuse hypocrisie
Les vents chagrins de suet déballent leur attirail
Susurrent leur mélopée à nos souilles méningées
Morbides et suicidaires en l'affligeante ambiance
Ces vents sont si troublants et fourbes et angoissants
Ceux qui ouvrent la voie aux plus fortes dépressions
Ravageuses émérites et naufrageuses notoires
Cartes postales-collages-poèmes comme poignées de coeur
Pour conjurer le sort et son mauvais lagad
Contrecarrer le flux de céleste nausée
Percer la sale couche de nuages effrontés
Moucher les hargnes et frimes tempétueuses
Redonner vie à toutes les humeurs et chaleurs baladeuses
Lagad : l'oeil (breton)
Passe Ouest
Totems d'ailleurs
Un ciel nous enlumine dans la tiédeur
d'un matin d'été. les mots sont simples
qui dévalent, se dévoilent ou s'écoulent
avec fièvre et ferveur des reflets, des tein-
tes, des paysages, qui nous environnent.
D'une île qu'il nous est permis d'étrein-
dre, pleurèquent les champs et nostalgient
des senteurs trop vite évaporées, enfuies,
enfouies, dans les vapeurs d'échappe-
ments qui meurent nos saisons froides.
Des espaces où nous fûmes qu'il nous
est permis de caresser encore et encore du
regard et de l'espoir.
Les sens s'ébouriffent et l'imaginaire
adhère au rituel d'un spectacle d'une gran-
diose simplicité, au délit de vie paisible, au
défi de lumière qui s'offre, au délire d'une
nature seconde microcosme de sa création
et de sa créativité latente. ....
A Lance Henson
Le nuit froide fait éclater
siagner les gerçures
de la terre-mère
la lune du peyotl
aguiche nos regards
bizarrement boutiqués
dans le Renault Master Rock and Roll
Jim Morrison espère plumer son cafard
en enterrant sa hache de guerre
Entre Carhaix et Lorient
la campagne est livide
solitaire et glaciale
aucun phare ni fanal
aucune loupiote amène
pas même un feu follet
déconnant tout son soûl
pour égayer la lande
rien que nous et le diesel
pour trouer le silence
fendre la bise barbare
et câliner l'asphalte
"Hey brother ! Are you OK ? "
...
Baie du Pouldu
entre les cailloux noirs. Cabotage de hasard. Les varechs,
sargasses, laminaires, ondulent dans les frêles rayons de lune.
Les chenaux sont étroits, rares les gougnelles, taches claires
et clairesemées dans toutes cette noirceur. La coque tâtonne,
frôle, hésite, divague de bouée à bouée. L'étrave parlemente,
chicane, marchande, revendique, puis négocie son droit de
passage avec la marée. Les feux de la côte, on pourrait pres-
que les toucher. Lampadaires, phares de voitures, lustres et
nostalgies qu'ils engendrent. La terre vit sa nuit. Le destin
qui le pousse au cul contraint le navire à s'éloigner. Hors les
passes, gagner le large où fremit l'autre rive. Gaffe au juger !
La sournoiserie fatale attend l'erreur qui permettra à la roche
de s'empiffrer de bande molle et de bordés résignés.
Interview d'Alain Jégou
Port de Doëlan : Interview d'Alain Jégou par les jeunes de l'Atelier relais de Quimperlé
Jacques Josse
D’étranges braises couvent dans ses yeux. Il regarde au loin. Reste assez silencieux. Près de lui, Le Bayon s’active à peine. Il gueule quand même après les mouettes, histoire d’essayer d’enrayer le concert. Je les suis à distance. Les ai laissés prendre un peu de champ. Je suis avec eux à Belle-Île pour une semaine. On a passé une bonne partie de la nuit précédente dans la boulangerie à Momo qui bossait au fournil avec ses frères et vers quatre heures du matin, travail terminé, si mes souvenirs sont exacts, on a dû déboucher une bouteille de Muscadet et déguster des croissants chauds sur un bout de table en ferraille…
Je ne réussis à expliquer pourquoi, mais quand j’essaie de revivre au ralenti certaines de mes rencontres avec Alain, lui que j’ai connu grâce à un bon de commande inséré dans la revue « Vrac » (que j’avais rempli et expédié à son adresse fin des années 70 de façon à me procurer La suie-robe des sentiers suicidaires) c’est toujours celle-ci qui rapplique. Peut-être parce que depuis Momo est mort (happé par une vague alors qu’il pêchait sur un rocher aux abords de l’île) et que je n’ai jamais su remettre mes pas en marche dans ces parages, au beau milieu de l’Atlantique… Je ne sais pas. En tout cas, la scène revient et déboule sans cesse, à l’improviste, entortillée là-haut à la manière de ces volutes de fumée qui traînent en spirales, de la table au plafond (à la fin il n’en reste bien sûr qu’une seule) dans un bar de préférence puisque c’est là que l’on aime se réfugier pour sécher nos (déjà presque) vieilles peaux…
Jacques Josse
Helyett Bloch
Frère de vent à l'instinct du verbe, Alain et quelques autres ont contribué à ce goût prononcé qui est mien, du partage de la lecture vive. Embarqués sur sa route de " bourbouillances", nous sommes un vrai ban de lecteurs à bord et par-dessus bord , lisant cette langue déliée et rebelle, ces longs poèmes au risque libre d'homme engouffré par la mer.
Nous nous sommes croisés lors des rencontres poétiques de Rochefort sur Loire, il y a quelques années. Cet écrivain porte l'écume de ses textes sur son visage dont j'aime les mouvements charriant une vérité qui ne trompe pas, sa passion d'être vivant.
Helyett Bloch, janvier 2009
Ghislain Ripault
« Les mots sanglants comme des bateaux blessés sur une mernoire. »
Breyten Bretenbach
Alain Jégou est le seul poète de cette trempe que je connaisse – ce n’est pas froufrou de musette que de dire qu’il affronte les éléments ! Il l’a fait pendant ses années de camaraderie houleuse, pêcheur et capitaine d’un Ikaria sans complaisance avec les Glénan et l’île d’Yeu, comme il reste sur le pont du bateau-swing des mots, toujours le cœur en tempête, à purger l’avarie ou l’avanie. Car l’homme ne fait point relâche quand il tangue sur la terre dite ferme : la combine n’est pas son style, les accommodements non plus, à l’exemple de ses amis brûleurs de toutes sortes de durs depuis des siècles. De Villon, Jehan Rictus à Léo Ferré, Jim Morrison, John Trudell, Kerouac, avec une mention spéciale à Claude Pélieu en mémoire duquel il a coordonné un livre-choral. Sans oublier les Indiens d’Amérique du Nord, les auteurs de romans noirs et autres bourlingueurs des bas et hauts fonds... Tous « gens comme d’océan », ces chahuteurs de syntaxe, frayeurs de passages lyriques au vif, sont prompts, dirait-il, à dévioquer la phrasure, empenner d’éclats la parlerie sur le rafiot Poésie : « L’indomptable désir/ qui fait mouvoir les formes/ et les pensées saillir. » Jusqu’à l’os des disparus, sculpté en fronde, qui vaut poussière d’étoiles.
Ghislain Ripault, 23 novembre 2008
Fritz Werf
A traduit en langue allemande et publié deux recueils d’Alain Jégou : ABTRIFT/DERIVE en 1996 et FLÜCHTIGE SCHATTEN/OMBRES FURTIVES en 2003.
Bruno Geneste
Bruno Geneste
Emile Hemmen
"Rencontrer le poète Alain Jégou c’est découvrir un homme qui respire l’humain et la fraternité et qui sait dire « non », d’une manière à la fois farouche et obstinée, aux lâchetés et aux facilités ambiguës de la vie. Je n’oublierai jamais les moments intenses et enrichissants que j’ai partagés avec Alain au Fort-Bloqué, à Belle –Ile –en- mer et au Luxembourg.
C’est grâce à lui que les auteurs bretons ont fait l’objet d’un dossier paru dans le numéro 27 de la revue culturelle luxembourgeoise « Estuaires ». Et c’est encore une fois Alain qui nous a permis de présenter l’artiste – peintre Georges Le Bayon ainsi que Claude Pélieu, poète proche du mouvement beatnik, aux lecteurs de notre revue dont il était, pendant de longues années, un correspondant fidèle et un collaborateur engagé.
Pour Alain, la poésie est une façon d’habiter l’existence, de donner voix à la vie.
Emile, Hemmen est responsable des éditions Estuaires (Luxembourg)
Benoît Delaune
"J’ai rencontré Alain Jégou sous le signe de ce grand Voyant qu’était Claude Pélieu. Nous avons sympathisé rapidement, autour d’une grande expo lorientaise consacrée aux collages de Claude Pélieu & Mary Beach.
Béatrice Machet
J'ai vu Alain Jegou au Fort Bloqué, d'intimidé à chaleureux. Puis à Lorient sur son rafiot, la carcasse fatiguée par ce putain de métier inhumain ...mais il n'en aurait pas voulu d'autre!
je l'ai vu soulagé d'avoir trouvé un digne successeur pour l'Ikaria, content d'envisager avoir plus de temps pour écrire.
Une autre fois encore je l'ai rejoint dans une chapelle sur la lande pas loin de la pointe du Couregan, alors qu'il poussait sa goualante devant un public envoûté par les sons de la harpe celtique .... J'ai compris qu'en Alain Jegou y'avait tout l'océan. Tous les océans. Des rouleaux de tendresse et de chaleur humaine, des tempêtes furieuses des profondeurs abyssales, des courants froids, des courants chauds, des marées saisonnières ou quotidiennes, les alizés, les icebergs, les lagons, ...
Et puis comme l'air résigné parfois, mais toujours les yeux pétillent, et puis l'allure du goéland parfois, dont les ailes de géant l'empêchent de marcher,…
Alain Jegou, c'est le totem de ma tribu."
Emmanuelle Le Cam
Lorgner les étoiles, qui froissent l’âme, les éborgner aussi, joyeux compère du temps qui passe, faire étinceler les plumards de passage, boire irlandais au comptoir fugace, tutoyer l’infinie partance à bord du chalutier l’Ikaria, à la haute voltige de la mer demeurer fidèle... « un assemblage de vie/sauvage » somme toute.
Vivre comme on brûle. Malgré « l’indigo des plaies », être enfin total, liberté portée large autour du cou.
Saïd Mohamed
J’ai eu la chance de partir en pêche un jour avec lui. Un jour de mer d’huile, par une belle nuit de septembre. Je dis nuit parce que lorsqu’on s’est levé pour se rendre au port, il n’y avait pas un chat sur les routes. Peut-être une voiture croisée entre le Fort bloqué et Lorient. Ce n’est qu’arrivé dans le port, sur la jetée éclairée aux néons de sodium qu’on a vu des hommes. Plutôt des ombres qui s’agitaient et se saluaient machinalement d’un geste de la main. Ça m’a fait penser aux gladiateurs dans l’arène saluant César, « ceux qui vont mourir te saluent »… Pas de paroles, à quoi ça sert de causer dans ces cas là… Chacun sait ce qu’il doit faire.
La radio grésille. Le moteur démarre. Lentement on s’avance dans la passe, pour que le diesel chauffe, suivi par une ribambelle d’autres tandis que d’autres nous précédent. Une sorte de procession s’avance sur la flaque d’huile noirâtre. Quelques vannes échangées entre pilotes…
Les deux matelots sont descendus dormir dans la couchette pendant que le Cap’tain a mis le cap sur les filets posés la veille.
Ils en auront levé des filets ce jour là ! Et posé autant d’autres. Pareil que d’habitude. Pour pas grand-chose. La mer trop calme n’avait pas donné ses fruits.
On n’a pas parlé littérature ce jour-là, ça aurait été déplacé. Il n’était pas là pour ça, le Cap’tain mais pour travailler. Et moi là, dans ces 10 mètres carrés, je ne pouvais que regarder, que voir, qu’essayer de comprendre ce qu’il trouvait de bien à sa foutue vie de loup de mer… Pourquoi ça fait bander ces types de risquer leur carcasse chaque jour dans ce merdier ? Alors qu’ils seraient bien mieux en banlieue parisienne au chaud dans un tunnel en train de conduire une rame de métro. Assuré du salaire et de l’horaire.
Décidément ces types sont d’une autre race. J’ai retrouvé chez les paysans du haut Atlas qui survivent dans des conditions de dénuement total cette fierté sans nom, qui semble dire : plutôt crever debout que vivre à genoux…
Saïd Mohamed
Muepu Muamba
Quelque lumière discrètement dans les yeux. Il y avait chez lui, la première fois que ma femme et moi l’avons rencontré, une sorte de retenu qui n’était pas de l’indifférence. C’était à l’occasion d’une lecture organisée au Luxembourg, par nos amis de la revue Estuaires. Nos textes s’y étaient déjà croisés. Alain était assis de l’autre côté de la table, presque en face de moi. Je fus surtout frappé par son visage, son regard buriné m’a fait penser à une plante de mers du sud. S’y illuminait une lumière qui ne trompe pas, cette réserve ouverte d’attente de vraie rencontre. La nôtre se fut sans préliminaire. De cet homme ne pouvait naître que des sentiments qui s’enracinent dans la profondeur généreuse du baobab. La gouaille de ses mots nous avait atteints, ma femme et moi. Des mots taillés dans l’embrun des océans.
Alain Jégou avec Muepu Muamba
Dès ce jour est née une amitié qui n’est pas seulement littéraire. Mais un partage de combats, d’engagements commun. Un même regard critique sur notre monde empêtré dans le mensonge et la mauvaise foi. Et puis Marie-Paule qui nous a accueillis dans sa maison de Ploemeur comme des amis de longue date, des amis de toujours. Un tel enthousiasme, une telle générosité se révèle jusque dans les semences de mots d’où surgit le poète comme un filon de feu de tendresse, défriche d’irrévérence haletée d’avenir face à l’abject.
Dès ce jour-là, je savais qu’à n’importe quel moment, je pouvais capter ce skipper de l’esprit. Qui veut aller loin doit s’adjoindre toujours un ami. Ensemble, nous essayons d’aller loin, très loin au son de chaque jour, dans cette petite durée, à nous impartie. Ne respectant que l’amitié et la splendeur de la vie.
Muepu Muamba
Lutz Stehl
Les mots d’Alain Jégou sont, malgré leur richesse, des messages de morse échoués sur la côte. Grâce à ces mots-messages qu’on apprend à décrypter, avec lui, grâce à lui, on apprend à regarder le large. D’un seul coup ou lentement, vague après vague, objet par objet, ce large géographique approché et scruté grâce aux mots, devient le vrai large : un paysage intérieur inconnu. Un infini. C’est en le regardant qu’on apprend un certain emploi de la vue et que l’on se reconnaît dans une vision. Le sens des mots, tirés des choses, est délibérément fraternel. Il se retrouve dans les moindres détails, ceux qui feignent d’être insignifiants. Et le sens du large propre à Alain ne se résume pas à ce que la vue donne à voir depuis les points fixes de la terre ferme, de celle qui est bien à terre. Mouvance est le sens profond de la poésie d’Alain Jégou. L’horizon où il pêche les mots pour approcher et cerner les choses est une métaphore.
Dans leur « for intérieur », les violences verbales recherchées d’Alain Jégou, ses trouvailles lexicales, les belles torsions qu’il n’inflige pas seulement au verbe font naître tout un univers poétique qui vit de la suggestion et d’évocations qui interpellent le lecteur par la valeur musicale autant des allusions que, il faut le rappeler, des mots souvent très directs d’Alain. Dans « son for intérieur », cette écriture est le reflet des paysages qu’il côtoie. Et elle aspire peut-être à cela : que la part d’identité et d’appartenance à la Bretagne, la sienne, soit partagée, sans pompe marine, avec ceux qui éprouvent pour ce pays la même affection. Sa poésie fait émerger tant de lieux, vrais et fictifs, surtout ceux qui sont près de la mer ou face à la mer et qui ont les yeux, pour ainsi dire, rivés sur elle, même si, par humeur géographique, quelques-uns de ces lieux tournent le dos à la mer. Alain Jégou est resté homme de mer – et, même à terre, il est toujours en mer. Et les mots, des mots justes pour saisir ce qui est fugace, aiment venir s’échouer près de lui …..
Lutz Stehl,
Kandel (Allemagne) – Fort Bloqué