M comme Mai 68

« J’étais à Lorient en mai 68, loin de la grosse baston et des barricades. Y’avait pas d’université ici. C’était un peu chaud dans les lycées et les travailleurs des arsenaux commençaient à groumer. Moi je glandais et j’ai pas vraiment pris part au mouvement. J’avais pas attendu le mot d’ordre des gonzes de Nanterre pour ruer dans les brancards. Ça faisait déjà quelques années que je m’étais engouffré dans le flux libertaire. Les trotskos, les maos… j’avais franchement du mal à supporter. J’avais pas tort de me méfier. On a vu ce que ça a donné et ce que sont devenus ces révolutionnaires-là.
Par contre y’avait toute une bande de mecs des Beaux-Arts de Lorient, proches des Situs, vers qui allait ma sympathie. Toute une équipe de joyeux drilles qui organisaient des manifs et débats dans différents lieux de la ville. C’était la grosse fiesta !
Tous les mômes se prenaient pour le Che, Fanon ou Lumumba. Et ils y croyaient à leur putain de Révolution ! Et j’y ai cru aussi. Tous ces gniards, conçus dans la liesse de la Libération, allaient montrer à leurs parents de quoi ils étaient caps, qu’eux aussi avaient la fibre résistante (et pas de la dernière heure, la leur) foncièrement allergiques à toutes ces conneries de vie d’un autre âge que quelques généraux gâteux voulaient leur imposer. Ils allaient voir, les vioques, de quels idéaux ils se chauffaient !
Hormis le bel élan idéaliste, ce qui m’a le plus enthousiasmé dans cette révolution, c’est la façon dont les filles ont fait sauter le cadenas de leurs ceintures de chasteté, comme elles nous ont mis leur libido en pogne pour nous inviter à la faire exulter. Rien que pour ça, ça valait vraiment le coup de la faire, cette foutue Révolution ! »

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